Lors de récentes consultations publiques sur le harcèlement et la violence sexuelle en milieu de travail, le gouvernement canadien est arrivé à une conclusion effarante : 60 % des répondants ont dit avoir souffert de harcèlement au travail, 30 % avaient subi du harcèlement sexuel, 21 % de la violence et 3 % de la violence sexuelle. Des politiques et des lois sont en place pour lutter contre ce fléau, mais avant de faire mentir les statistiques, les milieux de travail ont encore de la sensibilisation à faire.
Lorsqu’il a travaillé comme psychologue organisationnel dédié à la gestion des plaintes liées au harcèlement psychologique et sexuel, Philippe Longpré s’est rendu compte d’une chose. Ce n’est pas qu’il manque de politiques et de loi pour contrer le harcèlement. C’est plutôt que pour être efficace, elles doivent être accompagnées d’un soutien à l’employé.
Malheureusement, soulève le professeur de psychologie à l’Université de Sherbrooke, « le réseau en éducation et en santé subit tellement de pression financière qu’il n’y a pas de temps ni d’argent alloués à l’accompagnement des victimes de harcèlement ».
Comprendre les mécanismes de la loi
Philippe Longpré insiste sur l’importance de comprendre les procédures judiciaires dans lesquelles s’embarquent les victimes de harcèlement, lorsqu’elles déposent une plainte.
Lors d’une plainte pour harcèlement sexuel, il faut des preuves béton pour que la victime obtienne gain de cause. « C’est très dur à faire ! », s’exclame Philippe Longpré. Même avec des pages et des pages de textos et de courriels incriminants, la véracité du témoignage des victimes demeure sujette à caution. Il suffit par exemple que la victime ait dit oui une fois au harceleur, au tout début de la relation d’abus, pour qu’elle n’obtienne pas justice.
En effet, il n’est pas rare, après des mois d’enquête pour un cas de harcèlement sexuel – durant lesquels l’incriminé a été tout simplement retiré du lieu de travail en congé payé – que le résultat soit particulièrement décevant pour la victime. « Deux jours de suspension comme sanction à l’harceleur, ça donne l’impression que la plainte n’a servi à rien. Il faudrait plutôt des mesures disciplinaires exemplaires. »
Laissées à elle-même dans ce processus, les victimes perdent confiance dans le système de justice. « Le fait d’avoir une politique et une loi, mais pas de soutien avant, pendant et après le processus de plainte donne l’impression qu’il ne faut tout simplement pas porter plainte », déplore le psychologue organisationnel. Cependant, il est catégorique : les procédures judiciaires sont nécessaires. « Ça reste un acte criminel et doit être dénoncé comme tel. »
Agir en amont
Selon Philippe Longpré, la sensibilisation demeure le premier moyen à la disponibilité des entreprises pour lutter contre le harcèlement sexuel. Et il sait de quoi il parle : il a été en charge pendant deux ans de la gestion de plaintes liées au harcèlement dans un CIUSSS de la province. Pour lui, la sensibilisation passe par une politique de la civilité minimale, par exemple. « Une fois bien implantée, et adaptée à la culture de l’entreprise, ce genre de politique crée un climat moins favorable au harcèlement. »
Pour les gens qui déposent des plaintes, il devrait aussi y avoir un suivi automatique en psychologie, intégré dans le programme d’aide aux employés (PAE). « Comme le problème est à l’intérieur de l’organisation, il doit être réglé dans la structure », considère Philippe Longpré.
Pour lui, les entreprises auraient avantage à payer des formations à certains employés identifiés pour les sensibiliser aux cas de harcèlement. Ces gens outillés deviennent des sortes de vigiles dans le milieu de travail et contribuent à maintenir un climat sain.
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