Il y a quelques mois, un ingénieur logiciel de Google a fait les manchettes – et soulevé la controverse – en publiant un manifeste de 10 pages dénonçant les initiatives de la compagnie en matière de diversité. Dans ce document rapidement devenu viral, James Damore critique les méthodes de Google pour favoriser une plus grande diversité des sexes dans l’entreprise, qu’il juge discriminatoires. (À lire ici (en anglais) si vous l’avez manqué.) Selon lui, de meilleures idées pourraient être mises en œuvre, comme inciter les ingénieurs logiciels à développer leurs compétences sociales ou offrir aux employés le choix de travailler à temps partiel.
De nombreuses personnes considèrent ce mémo sexiste et antidiversité, bien que James Damore lui-même y affirme, d’entrée de jeu, qu’il valorise la diversité et l’inclusion et qu’il « ne nie pas que le sexisme existe ».
Cependant, le ton de la lettre – et des phrases telles que « les femmes et les hommes diffèrent de plusieurs manières sur le plan biologique » – n’ont pas été du goût de tout le monde, à commencer par les dirigeants de Google. Damore a été finalement mis à la porte. Mais était-ce la bonne décision ?
Nous avons consulté des experts pour connaître leur point de vue sur la façon dont Google a géré la situation et pour savoir s’il s’agissait de la meilleure manière de réagir au manifeste de James Damore.
Oui, l’auteur du mémo Google devait être renvoyé
Google devait prendre une décision d’affaires et de relations publiques, et l’entreprise a fait le bon choix, affirme Stuart Rudner, avocat spécialisé en droit du travail, médiateur et fondateur de Rudner Law.
Selon lui, comme la diversité est au cœur des politiques de la compagnie et une composante clé de son identité, l’opinion d’un employé qui en rejette les fondements mêmes est difficilement recevable.
« C’est complètement incohérent avec l’identité de marque de Google. De plus, comme l’affaire était devenue publique, tout le monde attendait la réaction des dirigeants, explique-t-il. S’ils n’avaient pas fait un geste assez fort, ils auraient terni l’image de la compagnie. »
Stuart Rudner fait un parallèle avec le cas d’Hydro One, en Ontario, qui avait renvoyé un employé ayant passé des commentaires vulgaires en ondes à une journaliste télévisée de Toronto, à l’été 2015. Les extraits vidéo de leur interaction étaient eux aussi devenus viraux, soulevant la colère du public.
« Ce dont tout le monde se souvient, c’est qu’Hydro One a agi immédiatement, en envoyant un message très fort que ce type de comportement ne serait pas toléré », dit-il.
Non, Google a pris la mauvaise décision
Lisa Kay, présidente et consultante principale chez Peak Performance Human Resources Corp., croit au contraire que tout le monde a droit à ses opinions. Bien que James Damore ait pu aller trop loin en critiquant la politique de sa compagnie de manière aussi publique, un congédiement ne représentait pas la bonne solution.
Une conversation pour discuter de ses préoccupations aurait été un meilleur choix, soutient-elle, même s’il avait enfreint un code de conduite. « Je crois qu’il faut donner à une personne au moins une chance de se corriger », dit Lisa Kay. En renvoyant James Damore, Google a semblé vouloir le réduire au silence, ajoute-t-elle.
« Selon moi, il existait une meilleure approche. Google aurait pu répondre de manière spécifique à ses commentaires, et apporter des informations factuelles pour réfuter ce qu’il disait et ses motivations sous-jacentes. De plus, la compagnie aurait pu expliquer les raisons de ses efforts pour améliorer la diversité dans l’organisation. »
Selon Kay, la question n’aurait pas été de donner tort ou raison à James Damore, mais plutôt de saisir l’occasion pour entamer une discussion au lieu de congédier simplement l’employé controversé.
Le travail qu’il reste à faire chez Google (et les leçons à tirer de cette histoire)
Maintenant que la poussière est retombée, les dirigeants de Google devraient discuter de l’embauche et des promotions et expliquer à leurs employés quelles qualités ils recherchent, affirme Alison Konrad, professeure en comportement organisationnel à la Richard Ivey School of Business de London, en Ontario. « Améliorer la transparence dans ces domaines pour augmenter le sentiment d’équité est crucial », dit-elle.
Ces actions sont d’autant plus essentielles qu’il règne actuellement un climat d’angoisse en matière de discrimination positive dans toute l’industrie, avance Alison Konrad. C’est aussi l’occasion d’offrir une leçon à d’autres compagnies.
En expliquant les pratiques et la philosophie d’embauche et de promotion, et en conseillant régulièrement les employés en début de carrière dans leur cheminement professionnel, les entreprises pourraient augmenter le sentiment d’inclusion et d’équité, pour tous.
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